Dis, Nat’, raconte-nous…
D’où viens-tu, quel âge as-tu ?
Je suis née à Saint-Nazaire, en Bretagne, en 1970.
Dis-nous comment…
Comment, quoi ?
Comment étais-tu ? Par exemple, le milieu dans lequel tu as vu le jour, avait-il un lien avec le milieu artistique ?
Pas vraiment, bien que quelques membres de cette famille soient de talentueux autodidactes de la création.
Je suis une fille beaucoup de la mer et un chouille de la terre. J’avais l’océan comme confident, c’est dire ! Pour la partie enfantillages et apprentissage de la vie, j’avais la chance d’avoir des tantes à peine plus âgées que moi, mes frères et sœurs, un cousin.
Mais, est-ce que, déjà petite, tu t’intéressais à l’écriture, à la création ?
Gamine, je me souviens d’une machine à écrire reçue un Noël.
Je me souviens de mes dessins qui ornaient les textes à apprendre pour le cours de français.
Je me souviens de mes petites histoires qui couraient sur les pages de mes cahiers.
Je me souviens de ces planches foulées lors de représentations, déclamant mes répliques devant un public indulgent : les familles (jamais la mienne).
Je me souviens de ces jeux à faire semblant, de cette imagination sans bornes qui coulaient de mon cerveau.
Je me souviens de mes nuits presque blanches à broder et chuchoter des histoires sous la couverture.
À l’adolescence, tous ces trésors se sont enfouis dans mon coffre-cœur et quelques-uns dans mes tiroirs. Des histoires un peu plus construites, un peu plus cohérentes, que je m’appliquais à écrire pour ne pas perdre la trace de ces contes brodés sur le vif devant les yeux pétillants de mes frères et sœurs, lesquels en redemandaient, les bougres !
C’est ce qui t’a décidé à devenir écrivain ?
Eh bien, pas tout à fait. C’est en effet ce qui m’a poussée à continuer d’inventer des histoires et de les illustrer (horriblement en plus !), mais je n’imaginais pas partager ces textes enfantins autrement qu’avec les gamins de mon entourage.
Ces textes reposèrent et s’entassèrent donc durant des années.
Et j’imaginais devenir comédienne, dessinatrice, décoratrice, pilote de courses motos, chef cuistot, institutrice… et puis ma mère a pris les choses en main, en fonction de mes aptitudes scolaires et de ses propres désirs.
« Dans le secrétariat, on trouve toujours du boulot. »
Adulte, j’ai sauté dans le wagon, en me disant pourquoi pas ?
(Pour cela, merci, maman, grâce à ce parcours, je sais taper au clavier avec mes dix doigts, sans regarder, et à une vitesse folle ! Plus tout à fait aujourd’hui, mais nous n’en sommes pas encore là…)
C’était l’époque où l’indépendance était nécessaire aux jeunes à peine adultes avec cette fougue à entrer dans la vie active le plus rapidement possible ! Moi, c’était pour quitter un milieu malsain qui a bien failli me pourrir si je n’avais pas eu le déclic scolaire.
L’envie de m’échapper a été la plus forte, mais ce wagon professionnel était loin de ce que j’avais imaginé. Et je me suis engouffrée dans un autre, puis encore un autre pour enfin toucher ce qui, finalement, avait fait sournoisement son petit chemin en moi. Mine de rien. Pour me tomber dessus, comme ça ! Pouf ! Mes enfants avaient profité de ces histoires privées, mais, après avoir imaginé de gentils contes anodins, j’ai fini par tisser des toiles plus grandes, plus complexes, plus dénonciatrices.
J’utilisais un moyen magique et important : ma liberté d’expression !
Et quel outil !
Un jour, j’ai signé mon premier contrat. Pour mon premier roman.
Et je suis restée dans cet univers artistique, avide d’apprendre, de découvrir.
J’ai eu des succès, des flops, des amis, des ennemis, des colères, de l’indulgence…
J’ai énormément bougé pour aller échanger avec mes lecteurs, jeunes ou moins jeunes.
Du fait, j’ai moins écrit, mais avec des projets, plein la tête et tout le temps.
Tout cela a duré dix ans.
Tu n’écris plus ?
Ma vie a changé. Mon corps est bouleversé par un mal aussi rare qu’incurable et invalidant.
Mes mains n’ont plus la même vélocité, je suis faible sur mes jambes.
Fini les nombreux déplacements pour aller à la rencontre de la vie, de l’humain, des lecteurs.
Fini le plaisir d’écrire à la main un manuscrit entier, de jouir pleinement de ce contact si sensuel.
Tu es triste ?
Oui : je ne vais pas dire que cela ne me fait rien ! Perdre son autonomie et ses capacités n’est jamais drôle. Comme la déchéance.
Non : cela m’apporte d’autres choses insoupçonnées, d’autres rencontres, une autre vie, d’autres expériences.
Et puis, j’ai taquiné la Science-Fiction ces dernières années, alors je ne peux que m’imaginer devenir cyborg ou posséder un exosquelette !
Mon cerveau est là et mon imagination est plus intense que jamais.
Tu vas continuer d’écrire, alors ?
Le jour où j’en aurai besoin, il existe des aides techniques pour remplacer les doigts, comme la reconnaissance vocale. Cela me fait froid dans le dos de ne plus écrire manuellement, mais grâce à cette technologie — après l’avoir apprivoisée ! — je pourrai peut-être continuer à créer.
Mais je n’en suis pas encore là. Même si j’ai du mal à lever les bras, je ne les baisse par pour autant.
L’écriture, c’est moi. C’est un monde intime et nécessaire à mon fonctionnement.
Je rassure toutes celles et tous ceux que j’ai croisés sur les routes et qui connaissent cette étrange métaphore que je servais à chaque intervention auprès de mes jeunes lecteurs : je vomis encore !
Certains de mes romans ont été récompensés par de nombreux prix littéraires et ils me ressemblent toujours : ils ont la liberté, la vie et l’humain comme moteur !
J’ai envie de m’essayer à d’autres genres que l’imaginaire, de revenir à des textes plus courts, plus vifs.
Je vous réserve quelques surprises !
Mes réponses à une interview
Si j’étais
un livre : Je serais écorné, jauni, plein de senteurs et de secrets.
une loi : « Une loi ne pourra jamais obliger un homme à m’aimer mais il est important qu’elle lui interdise de me lyncher » M.L.K.
Dieu : Je n’existerais pas.
Le Père Noël : Je n’existerais pas.
Une chanson : « On a pas la thune »… (mais l’espoir) – Damien Saez.
Un acteur : je jouerais sur tous les registres pour explorer à fond ma personnalité et la richesse humaine.
Un homme : rien ne changerait en moi.
Un conte pour enfants : Je me broderais au fil de leur imagination.
Une invention : la paix dans le monde.
Un Maya au XXIe siècle : Une puissante shamane pour guérir les maux de la Terre.
La Reine des êtres humains : Je serais affligée de voir tant d’inhumanité… Mais franchement, je ne peux concevoir d’être à la tête de quelque chose. Pour moi, tout passe par la complémentarité et une dose d’égalité.
Une recette de cuisine : Des épices, du miel, des produits de qualité et une large rasade de gourmandise.
Un coffre-fort (qui contiendrait quoi ?) : un coffre inflammable pour y enfermer mes souffrances et y mettre le feu le moment venu.
Une porte (qui s’ouvrirait sur quoi ?) : la porte du présent qui s’ouvrirait sur l’avenir.
Un souvenir : le vent et le sel sur ma peau, le regard perdu dans les vagues qui effleurent mes pieds nus.
Ton passé : Je viens de naître… Seuls mes enfants attestent d’une vie passée…
La Terre dans 500 ans : je n’existerais plus.
Un événement à changer dans le monde, dans ta vie : rien à changer, tout est à écrire.
Un cadeau à offrir aux hommes : la compassion
Une pièce de théâtre : « Les pas perdus » – Denise Bonal / une formidable pièce humaine .
Une œuvre artistique : Je suis déjà une œuvre de Picasso… au réveil !
Un alcool : fort et doux à la fois, aux arômes épicés.
Un attentat : une alerte à la joie et au bonheur.
Une gourmandise : un mélange sucré/salé.
Un tableau : noir pour écrire à la craie des mots tendres ou d’espoir chaque jour.
Un complexe : je le détournerais pour en faire un atout.
Un paysage : une côte sauvage fouettée par le vent et l’écume.
Un jeu d’enfant : une balançoire pour tenter d’atteindre les étoiles avec le bout de mes pieds.
Un super héros : l’Abbé Pierre.
Un médicament : pour soigner la bêtise et l’indifférence.
Un être mythologique : Thalie – la muse de la comédie.
Une épitaphe : Vivre enfin en paix !
Vin rouge ou vin blanc ? : Rouge ! Un bon bourgogne. (2017 : blanc moelleux)
Cauchemar ou rêve ? : Rêve, pour supporter la réalité parfois cruelle.
Oreiller ou traversin ? Mmmm… oreiller ! Bien épais et moelleux.
Montagne de chantilly ou saucisson de montagne ? : Saucisson de montagne… pour aller avec le rouge !
Vanille ou patchouli ? : Une pointe de vanille dans une huile de Monoï.
Saut à l’élastique ou transat et chapeau de paille ? : les deux !
Un grand regret ? : aucun.
Un écrivain qui t’impressionne ? : un écrivain qui n’a pas un égo surdimensionné et la grosse tête.
Avec qui es-tu fâchée dans le milieu littéraire ? : Des noms ! Des noms !
Le film que tu pourrais revoir 1000 fois ? : Danse avec les loups.
Ta dernière indignation ? : je ne peux pas la citer ici.
Ton premier baiser ? : je me souviens d’un baiser volé en classe de CP alors que l’institutrice écrivait la leçon au tableau…
Ton doudou d’enfant ? : Une mèche de cheveux qui s’entortille autour de mes doigts.
Jamais eu envie de coller une grande tarte dans la g… de quelqu’un ? : je n’aime pas la violence, même si ça démange parfois.
Ton cri de guerre ? : LIBERTÉ !!!
Le milieu littéraire est formidable parce que… on y rencontre des gens formidables.
Le milieu littéraire est insupportable par ce que… on y rencontre des gens insupportables.