Esclave des Mihobês

annonceblog179-37f11Un petit texte au départ destiné pour la collection Mini-Soon aux éditions Syros.
Le voilà chez Bayard dans ce merveilleux magazine DLire !

Parution : octobre 2013
Éditions Bayard Presse

Comment as-tu eu l’idée de cette histoire ?
Un vendredi, au dîner, mes enfants et moi discutions sur lequel d’entre nous irait chercher du pain frais le lendemain matin. J’ai dit « Ce serait cool qu’il y ait des livreurs de pain et de croissants le week-end ! ». Et aussitôt, je me suis souvenue de ce film, Alexandre le Bienheureux lequel envoie son chien faire les courses à sa place.
Et alors ?
Je n’arrivais pas à m’enlever cette idée de la tête. Et, en pleine nuit, un petit bonhomme avec ce prénom humiliant de Chose est venu toquer à mon cerveau : « Viens m’aider ! Je suis l’esclave de chiens intelligents ! » Je me suis réveillée et j’ai écouté attentivement la vie incroyable de ce jeune garçon. Je lui ai alors promis d’en écrire une histoire. Et voilà !
As-tu déjà eu un chien ?
Absolument pas. Curieusement, j’en suis allergique. Alors j’ai adopté une chatte qui nous a donné un merveilleux chaton en 2012. Et vous savez quoi ? Ce chaton devenu grand est bien étrange. Il court après les balles ou tout ce que nous pouvons lui lancer, et monte parfois la garde devant le portail du jardin. Mais il est trouillard comme pas deux ! Quand on lance cette expression : « les chats ne font pas des chiens », eh bien, aujourd’hui, je me pose la question !


Extrait

Chose galopa jusqu’au fond du jardin avec son seau où flottaient ses déjections de la matinée. Il les enterra soigneusement en grattant la terre de ses ongles, comme le lui avait appris Rusty. Aujourd’hui, il avait dix ans. Il n’avait jamais fêté son anniversaire, mais il avait vu les maîtres le faire avec leurs enfants ainsi que pour eux. C’était une journée merveilleuse durant laquelle des mets somptueux lui passaient sous le nez et qu’il reniflait en fermant les yeux. Les cadeaux aussi s’amoncelaient et des étoiles de bonheur se peignaient sur tous les visages. 
Il était tout excité. Il aurait droit à une surprise, avait assuré Médora en lui grattant sous le menton comme à son habitude. 
Mais auparavant, il devait finir ses corvées. Le soleil avait entamé sa descente depuis un bon moment et il ferait nuit dans à peine trois heures. Autant dire qu’il devait s’activer ! Et les enfants qui allaient rentrer de vacances ! 
Chose en eut le tournis.
Il courut de nouveau, le seau vide à la main qui se balançait en éjectant des gouttes à chacune de ses foulées. Il les sentait lécher la peau nue de ses mollets, même jusque ses cuisses. Il s’arrêta deux secondes pour y jeter un œil et grimaça. Des tâches brunâtres formaient des ronds irréguliers et dégoulinants. Si ses maîtres découvraient cela, il se ferait punir et adieu la surprise !
Il se faufila dans le garage, passa son seau sous l’eau du robinet et s’engagea dans le sas qui conduisait à la cuisine. Il s’arrêta net. Tellement impatient, il en oubliait de nettoyer ses jambes ! Il fit demi-tour au moment où il sentit le parfum de sa maîtresse. Il se retourna telle une girouette. Sur le seuil de la porte, Médora, les bras croisés, le détaillait de la tête aux pieds, s’attardant sur les tâches brunâtres.
— Pour une fois, tu n’as pas à finir tes corvées, dit-elle enfin. Les enfants rentreront plus tôt et nous voudrions être de retour pour les accueillir. Nous partons maintenant.
— Bien, maîtresse, répondit Chose.
Mais il était tellement surpris qu’il resta immobile. (…)